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Bienvenue dans ce nouveau numéro de Brave GNU World, écrit cette fois dans le train de Zurich à Lausanne, juste avant PrepComIIIa dont nous parlerons un peu plus tard. Nous commencerons ce numéro avec un projet intéressant pour les cinéphiles.
Michael Wouters a démarré Screenhack [5] en 2000, puis a ensuite laissé la maintenance du projet à Artur Skura afin de pouvoir travailler sur une version avec interface graphique. Un projet pour les cinéphiles sans interface graphique? Oui, vous avez bien lu.
Screenhack est un outil en ligne de commande pour Unix et Windows, permettant de créer des animations. En tant que tel, il est souvent utilisé dans la chaîne d'outils entre le modelage et le rendu.
La plupart des autres outils de modelage, par exemple Ayam3D ou Moonlight Creator, génèrent des fichiers RenderMan, mais ne permettent pas de produire des animations. Michael Wouters s'est mis en tête de combler ce vide avec Screenhack -- de telle sorte que les utilisateurs de modelage 3D puissent également produire des animations.
RenderMan [6] en lui-même est un format standard pour animations réalistes et d'après Artur, il est aussi utilisé à des fins professionnelles pour les films à gros budget. Le format de sortie de Screenhack est donc aussi du RenderMan et peut être transformé en film définitif avec la qualité attendue par un logiciel de rendu. D'après Artur Skura, le meilleur logiciel libre de rendu sur RenderMan est aujourd'hui Aqsis. [7]
Un utilisateur typique de Screenhack pourrait être toute personne désirant créer un film à base d'animation. Ou, comme l'écrit Artur: "Imaginez que vous tournez un spot publicitaire".
Si vous pouvez vous passer d'interface graphique, Screenhack remplit cette fonction correctement et de façon fiable. Les prérequis pour la pleine utilisation de Screenhack restent le travail de modelage 3D et la création spatiale.
D'un point de vue positif, il possède tous les atouts d'un outil en ligne de commande, particulièrement pour l'utilisation dans des scripts. Cela permet la création de flottes complètes de vaisseaux spatiaux, traversant l'espace suivant différentes trajectoires. Ou tout un troupeau de GNUs, traversant la 'Savannah'.
Screenhack a été écrit en C et il tourne naturellement sur des systèmes GNU/Linux ou autre unix, mais une version a été portée sous windows. Il est distribué comme logiciel libre sous licence publique GNU (GPL).
Le développement est quasi terminé, puisqu'Artur a pour optique de ne pas surcharger de fonctionnalités les outils unix. Cependant, ajouter quelques outils d'appoint à Screenhack serait une bonne idée.
Par exemple, un outil qui puisse insérer une frame entre deux autres. Cela ne doit pas être nécessairement fait par Screenhack, mais pourrait être très utile. Toute aide est la bienvenue.
Kim Neunert lance un appel à contribution pour le Bangladesh. Il travaille à proximité de la capitale, Dhaka, grâce à un financement de trois mois de l'ASA [8], en tant que premier "volontaire informatique" dans une organisation non gouvernementale, le CRP [9], un centre de réhabilitation des paralysés, qui est le seul de ce type au Bangladesh.
La situation qu'il décrit n'est pas très positive. Par opposition à l'Inde, le Bangladesh accuse un important retard technologique. Seule Dhaka est équipée de façon significative et les pannes d'électricité quotidiennes entravent l'utilisation des ordinateurs. Par ailleurs, 99% de ceux-ci utilisent Windows 98.
Le groupe d'utilisateurs GNU/Linux local [10] a été fondé en 1999 et depuis, a régulièrement tenu des réunions. La liste de diffusion présente un trafic de 5 à 15 messages par jour, la plupart pour demander de l'aide technique ou comment se procurer des distributions.
Fort heureusement, le nombre de projets de développement qui profitent au Bangladesh va en augmentant, bien que la plupart se déroule dans la région de l'Inde qui parle le bengali. Il y a, par exemple, un projet pour une police de caractères bengali libre [11] ou encore un projet pour créer une distribution live sur CDROM basée sur Morphix comportant "Bengal GNOME", des pages man et bien d'autres choses. [12]
Peu de connaissances relatives aux aspects politiques, stratégiques et économiques des logiciels libres semblent être disponibles au Bangladesh. Kim rapporte que même lorsque les gens comprennent et approuvent la logique des logiciels libres, ils ne voient pas la nécessité d'agir dans ce sens.
Pourtant les premiers pas ont été faits. Des indications encourageantes sont, par exemple, l'article "Comment Microsoft tuera le Bangladesh (sauf si Linux nous sauve)" qui a été publié en 2002 dans un quotidien bengali ou les premiers articles politiques portant sur le sujet [13]. Le processus intellectuel semble être engagé.
Revenons au cas concret de Kim. Quand il est arrivé, il a trouvé une base de données financière assez mal déployée, basée sur une simple installation d'un produit propriétaire, les disques d'installation n'étant pas disponibles. Le fournisseur de cette solution avait été mis en faillite depuis un petit moment. Le problème n'est apparu que lorque Kim leur a expliqué qu'il ne serait pas en mesure de modifier cette base de données pour satisfaire leurs besoins.
De plus, une grande base de données pour la recherche médicale était en chantier et en phase de test lors de son arrivée. Même si MySQL était mentionné dans l'offre, une base de données propriétaire était utilisée, probablement parce que l'analyste du système avait fréquenté à plusieures reprises les cours Microsoft à l'étranger. Assez intéressant pour cette installation, l'interface était vendue sans le moteur du SGBD.
Malheureusement, Kim n'est pas parvenu à convaincre les responsables de ne pas jeter l'argent par la fenêtre, après l'avoir mal dépensé la dernière fois avec du logiciel propriétaire, en vue d'arriver à une solution qui fournirait plus de perspectives dans l'avenir. Le caractère substantiel des coûts n'a pas semblé être compris ni même pris en compte. L'expérience montre que souvent, les coûts ne sont pas tout dans ce genre de situation, spécialement quand le travail d'une des personnes impliquées dépend de ce projet.
Mais pour la base de données financière, il y avait un potentiel réel et il fallait faire quelque chose. Ainsi donc, Kim essaie maintenant de sauver l'organisation de la dépendance à une quelconque technologie propriétaire pour les années à venir. C'est pourquoi il ne fait pas que documenter la solution propriétaire traditionnelle, il cherche également à la réimplémenter avec une structure similaire basée sur LAMP.
Il a commencé ce travail récemment et cherche des volontaires désirant l'aider dans un délai assez bien défini.
Actuellement, le projet est encore au stade pré-alpha. Il est basé en partie sur la base du code GCDB [14] tandis que la structure de la table est prédéfinie par la solution antérieure non libre. Il va utiliser la Licence Publique Générale de GNU (GPL) et il espère de l'aide pour la révision du code, des états et des formulaires complexes.
Cela donne une chance d'aider les personnes de l'autre côté de la fracture numérique avec d'assez modestes moyens. Si vous désirez faire plus, vous pouvez vous mettre en contact avec l'ASA [8] ou rentrer en contact avec l'association "Digital Bridges" [15] qui découle du projet Ganesha [16] dont il a été question dans le numéro 32 [17] du Brave GNU World.
Partant de ce sujet, il n'y a qu'un pas vers le sommet mondial de la société de l'information, qui entre autres choses, a tenté de traiter le sujet de la fracture numérique. Le sommet a lui-même été présenté dans le numéro 53 du Brave GNU World [18], mais il y a eu de nombreux événements depuis la Réunion Intersessionelle de Paris.
La troisième conférence préparatoire (prepComIII) s'est déroulée en Suisse, à Genève du 8 au 26 Septembre 2003. Des centaines de délégués, représentants du secteur privé et personnes de la société civile se sont réunis pour terminer l'élaboration des documents du sommet qui doit avoir lieu en décembre à Genève. Ils n'ont pas complètement réussi leur mission.
En fait, vers la fin de la deuxième semaine, la situation est devenue si statique que toute discussion constructive semblait impossible, et quelques délégués restaient sur leurs positions sans aucun signe de compromis. L'une des raisons est sans doute le pouvoir insuffisant accordé aux délégués présents à Genève, ce qui a ajouté au processus de difficiles échanges avec leurs gouvernements, coûteux en temps. Mais ça n'a pas été la seule raison.
Sur la question de la cybergouvernance, les gouvernements du nord et du sud maintiennent fermement des positions mutuellement exclusives. C'est dans le domaine de la sécurité qu'a eu lieu le conflit le plus typique. Tandis que les États-unis se retrouvaient soudainement aux côtés de la Chine, à batailler pour la "sécurité de l'information", un euphémisme habituel de la censure, la société civile argumentait pour la "sécurité du réseau", qui plaide pour la sécurité et la fiabilité des réseaux.
Et bien que la demande de standards libres soit commune à tous les gouvernements, les documents se contentent d'une terminologie à base de pseudo-standards propriétaires. Comme l'explique le groupe de travail de la société civile sur les brevets, droits de reproduction et marques déposées (PCT: Patents, Copyright and Trademark) [19], les standards ne peuvent être complètements ouverts que quand ils sont "librement implémentables" et "publiquement documentés".
Concernant le logiciel libre, la situation est aussi difficile et très changeante. En utilisant des termes tels que "neutralité technologique", certaines personnes essaient de suggérer qu'un choix entre logiciel libre et propriétaire serait un choix technologique et non un problème politique. Cela a été adopté plutôt passivement par certains représentants gouvernementaux, bien que cela signifie une perte de pouvoir démocratique légitime dans les domaines de l'économie nationale, les sciences et la société.
La "liberté de choix" est un autre pseudo-argument contre un énoncé clair des avantages du logiciel libre ; comme si ce n'était pas le travail des politiques de pousser les activités socialement utiles et ne pas récompenser les activités socialement néfastes.
Durant PrepComIII, il est apparu que même au sein de la société civile, le logiciel libre et ses impacts sur le sommet n'étaient pas complètement compris. J'ai donc employé le dernier jour de PrepComIII pour commencer un article, sur lequel Karen Banks de l'Association for Progressive Communications (APC), l'une des sociétés civiles les plus actives du sommet, a fourni un retour extrêmement utile, cet article est maintenant en ligne [20] et peut également se révéler utile pour d'autres activités.
Après qu'il soit devenu certain, le dernier vendredi de PrepComIII, qu'il n'y aurait aucun accord, deux conférences préparatoires supplémentaires furent mises sur pied à la hâte, clonées en PrepComIIIa et PrepComIIIb à la suite de PrepComIII, afin que les formalités de PrepComIII puissent être utilisées sans discussion supplémentaire.
PrepComIIIa se déroulera du 10 au 14 novembre 2003 (juste après l'écriture de cet article), PrepComIIIb aura lieu juste avant le sommet, du 7 au 9 décembre 2003. Puisqu'on a confirmé la présence - entre autres - du Chancelier allemand Gerhard Schröder pour le sommet, il ne reste plus qu'à espérer que les documents seront prêts à cette date.
Mais il y a aussi de bonnes nouvelles. La coopération entre sociétés civiles a fonctionné mieux que jamais - même si l'ONU aurait pu réussir la même chose en dépensant moins de ressources et avec moins de représentants gouvernementaux.
En Europe surtout, il devient envisageable que le sommet puisse conduire à de nouvelles formes de dialogues entre gouvernements et sociétés civiles. En particulier, le comité électoral européen de société civile a travaillé plus près que jamais de l'Union Européenne pendant PrepComIII. Et il y a des raisons d'espérer que cela continue au cours de PrepComIIIa.
En général, il parait logique d'aller voir la page du projet FSF Europe sur le sommet [21] qui non seulement fournit des liens vers le comité électoral européen et le groupe de travail PCT, mais aussi d'autres sources d'information, comme l'excellente page de la fondation Heinrich Böll, maintenue par Ralf Bendrath, et le commentaire du groupe de travail PCT sur la session pléniaire des nations unies.
Pour terminer, quelques idées sur le sujet jadis appréhendé sous le terme "contrôle de l'information industrielle", la soi-disant "propriété intellectuelle".
Le terme "propriété intellectuelle" est tout à fait problématique et devrait vraiment être seulement utilisé dans des phrases qui expliquent pourquoi cette terminologie est mauvaise et ne devrait pas être employée.
Pour tout humain doué de sens critique, la notion de "posséder" une pensée et ce que cela signifie automatiquement conduit à des problèmes non sans rapport avec le chat de Shrödinger ou la question de savoir si un arbre qui tombe dans la forêt fait du bruit s'il n'y a personne pour l'entendre.
De façon étonnante, cette terminologie est largement acceptée sans critique. Les gens l'utilisent naturellement sans y réfléchir, pourtant, cette façon de parler non seulement porte une idéologie qui suggère de traiter les idées et les pensées comme une propriété mais aussi qui place ceux qui partagent leur savoir avec les autres au même niveau moral que les criminels violents et les assassins ("copie pirate", "pirate logiciel").
De même ces termes n'offrent aucune avancée scientifique puisqu'ils amalgament de très différents domaines légaux et suggèrent de les traiter tous de façon égale.
Mais de la façon dont on les utilise, il apparaît qu'il y a un besoin pour un terme global et il est une chose commune à ce que tous ces domaines désignent par "propriété intellectuelle".
Chacun d'entre eux a pour but d'établir un monopole limité sur une chose intangible. La justification d'une telle monopolisation a toujours été "le bénéfice de la société".
C'est pourquoi je suggère d'éviter le terme "Propriété Intellectuelle" (IP --Ndt : pour "Intellectual Property") et -- si vous ressentez le besoin d'utiliser un terme général et ne pouvez désigner les domaines directement -- de parler de "Monopole de l'Intelligence" (IM -- Ndt: pour "Intellectual Monopoply") ou de "Monopole de l'Intelligence Limité" (LIM -- NDT : pour "Limited Intellectual Monopoly").
Non seulement ces expressions y font référence par ce qu'ils sont et font, mais ils ne sont plus pas plus longs ou compliqués que la terminologie en usage et ne portent pas une idéologie si douteuse.
Ca suffit pour ce mois-ci, comme d'habitude, j'espère recevoir de nombreux commentaires, questions, et suggestions par courrier électronique à [1] -- particulièrement des présentations de projets parce que sans la coopération et l'aide des lecteurs et des auteurs le Brave GNU World ne serait pas possible.
En attendant la prochaine fois.
Envoyez vos questions sur GNU et la FSF à
gnu@gnu.org.
Il y a aussi d'autres façons de
contacter la FSF.
Envoyez vos commentaires sur "Brave GNU World" (anglais ou allemand) à
column@gnu.org,
et les commentaires sur cette page à
webmasters@www.gnu.org,
les autres questions à
gnu@gnu.org.
Copyright (C) 2003 Georg C. F. Greve
Traduction [FR] : Denis Le Bret, Laurent Richard
Permission vous est donnée de distribuer des copies exactes de cette page tant que cette note de permission et le copyright apparaissent clairement.
Last modified: Fri Mar 11 09:38:14 CET 2005